Fêtes foraines, fêtes en Alsace : du vieux et du neuf
Dès l’entrée de l’écomusée d’Alsace, les visiteurs sont gratifiés d’une vue plongeante sur les ruines du théâtre forain de marionnettes « Kasperla ». Le morceau de façade visible évoque l’action malfaisante du diablotin, faisant exploser les colombages et s’enfuir à tire d’aile les cigognes; le diablotin qui n'avait pourtant les traits d' aucune personnalité connue a été dissimulé par un panneau. L’autre partie de la façade étant masquée par des bâches volant au vent, la morale de la fable est soustraite au regard et en conséquence confiée au bon sens et à l’imagination de chacun. Mieux, ces rideaux pendouillants dissimulent l’absence d’un fleuron de ce musée, le carrousel-salon Demeyer ou « Eden Palladium ».
La façade du théâtre de Kasperla à l'écomusée d'Alsace en septembre 2015
Un sujet d’étonnement toujours renouvelé est l’évanouissement sans bruit de l’ espace de conservation et de présentation de l’art forain et de l’ethnographie de la fête, constitué ici à grands frais d’argent privé et public, non comptées les quinze années d’efforts pour constituer et restaurer cette collection, la rendant accessible, joyeuse et apprenante pour le public. Apparemment, cet évanouissement est culturellement moins intéressant à commenter, à déplorer peut-être, que les dépassements de frais de taxi d’un haut-fonctionnaire du Ministère de la culture. On nous permettra de penser que les enjeux n’ont pas tout à fait le même intérêt et les mêmes conséquences en termes d'usage douteux de biens publics.
L’affaire est entendue. Le carrousel-salon a été vendu au parc d’attractions « Europapark » en Allemagne, et le reste de la collection dans l’état que l’on peut supposer.
Une pièce unique du patrimoine français réduite à une marchandise...
Ces pages gardent néanmoins trace de ce que notre région a laissé perdre et l'on trouvera ci-dessous les liens avec les différents articles parus ici à ce sujet.
Société et fête foraine, une expérience de muséographie
Sauvegarde et restauration du chef d’œuvre de Gustave Bayol : la façade du carrousel-salon Demeyer
Carrousel-salon de l’écomusée : les cochons prennent le large
La longue carrière de Kasperla, marionnette héroïque
Sous ce dernier titre figure l'intégralité des actes du colloque éponyme, qui s’est tenu en 2000 à l’écomusée. En raison de la fin de mes fonctions en 2006, ces actes quasiment prêts à l’impression n’ont pu être édités.
Une contribution de Hugo de Rocquigny
Le sujet a bénéficié durant les mois écoulés d’un regain d’intérêt, signalé par des nouvelles publications. Hugo de Rocquigny a mené une enquête dont une version résumée est publiée par la revue « Espaces » dans son n° 327 (novembre/décembre 2015) sous le titre : De la fête païenne au parc à thèmes. De l’art forain à l’ « imagineering ». Cette enquête, synthèse la plus à jour sur le sujet, définit l’objet d’études et retrace le parcours de sa reconnaissance comme objet d’art grâce à « une poignée de passionnés (qui) choisira le camp de de la difficulté et continuera un combat engagé non plus pour le renouvellement de la création foraine, débat devenu inutile, mais pour la protection de pans de la manifestation de pans du génie créatif humain, qu’ils espèrent sauver de l’oubli puis de la spéculation et de l’inévitable dispersion en leur consacrant un havre suprême, surmonté du grand panneau « Musée ».
Le texte complet de cette étude est accessible par le lien ci-dessous :
Un riche numéro de la "Revue d'Alsace"
Seconde publication qu’il nous faut mentionner ici : l’excellent numéro de la « Revue d’Alsace » (n° 141, 2015) consacré à Fêtes en Alsace de l’Antiquité à nos jours. Parmi les contributions les plus proches de notre sujet mentionnons celle de Georges Bischoff « De la cible à la fête : les concours de tir au XVe et au XVIe siècle » que nous rapprochons des tirs forains ultérieurs, et celle de Véronique Umbrecht « La fête mise en scène dans Strasbourg au XVIIIe siècle : de l’architecture éphémère à l’architecture permanente ». Nous avons signalé ailleurs les relations entre les architectures de fêtes royales, puis républicaines, et les grands « métiers » forains et montré comment les constructeurs de ces derniers s’emparaient de leurs formes grandiloquentes, les détournaient en inversant le sens de leurs répertoires. Un seul regret, la fête foraine est absente de cette publication de référence. Le reproche s’adresse à nous même, car accaparé par d’autres chantiers nous n’avions pas donné suite à la collaboration qui nous avait été proposée.
Janvier 2016